Rédigé le 26/08/2020
Climato-nostalgie
La fin août, en France. On range le hamac et on met une chaîne au cabanon resté ouvert toutes les vacances. Le soleil fait encore un effort pour dorer les jambes des filles, les grands-parents embrassent une dernière fois les enfants.
Sur la quatre voies du retour, on retrouve des mots tabous : « travail », « bureau », « cartable »… Les pieds nus sur le tableau de bord on fait une dernière sieste, bercés par l’écho des cigales qui vont bientôt se taire. Le petit dernier dort aussi, il se repose de toutes les baignades dans la rivière, des toutes les tartes aux pommes, de tous les châteaux de sable engloutis par la marée contre laquelle on ne peut rien… La grande ne dit rien. Elle a le nez collé à la vitre, hypnotisée par les vignes qui défilent en stroboscope. Une semaine auparavant, pendant une journée caniculaire, ils ont visité le domaine à côté de la maison. Au frais, dans la cave, elle a écouté le vigneron parler de son travail, de sa terre, de son raisin. Son petit frère a poussé des grands « wouaaaah !» devant les presses hydrauliques et elle, elle a eu le droit de tremper les lèvres dans un grand cru. Et puis le vigneron leur a expliqué que dans quelques semaines, c’était les vendanges. On allait voir arriver des paires de mains de toute la France qu’on équiperait de sécateurs. Les sécateurs couperaient les bonnes grappes, les mains les mettraient dans des paniers. C’est comme ça tous les ans…
Tous les ans ? Pas vraiment. Cette année, les vendanges ont commencé mi-août ! C’est l’une des conséquences d’un climat déréglé et de plus en plus chaud. Un hiver doux, peu de pluies, le raisin a noirci avec près d’un mois d’avance ! De mémoire de viticulteur, on n’avait jamais débuté aussi tôt. Les grosses chaleurs donnant un raisin plus chargé en alcool, il a fallu agir vite. Autre problème : la main d’oeuvre. Les gestes barrière ont refroidi les étudiants, d’habitude si nombreux. Si on devra attendre un peu pour savoir ce que donne ce millésime 2020, on peut déjà se dire que l’année restera gravée dans les mémoires. Mais notre petite famille de retour des vacances a bien senti le coup : dans le coffre, deux caisses de 2018 font le voyage avec eux…